Wednesday, 8 December 2010

Les Cathares

Il est peu d’endroits de notre terre européenne qui se revête d’une aura plus héroïque et tragique que Montségur, cette citadelle du vertige campée sur son pic en terre d’oc et qui défia si longtemps la toute-puissance des papes et de leurs armées ; de leur terrible Inquisition aussi.
On ne saurait évoquer ce nom sans évoquer du même coup la tragédie qui l’inscrivit à jamais dans l’Histoire : l’épopée de la Croisade et de ce qui en fut l’âme, le Catharisme.

Beaucoup d’entre nous connaissent, en effet, au moins l’essentiel, de ce que fut l’atroce "croisade" et la trace sanglante qu’elle laissa sur l’Occitanie, mais bien peu cependant se font une idée claire de ce qui la motiva : une tradition religieuse enracinée à la source même du christianisme originel, en dénégation radicale de ce que prétendait être, depuis sept siècles, l’Eglise de Rome.

Contrairement à ce que pensent aujourd’hui beaucoup de nos amis, la "Croisade" contre les Cathares ne fut pas une simple entreprise de spoliation militaire hypocritement fondée sur un vague prétexte d’hérésie dogmatique, mais bien, au contraire, la réaction brutale et féroce d’une Eglise parée des oripeaux du vieil Empire constantinien, face à une conception spirituelle remettant de fond en comble en question sa puissance temporelle et son hégémonie sur les âmes. Réaction par le fer et par le feu d’une autorité toute matérialiste donc, entièrement fondée sur l’ancien droit romain face à une société occitane en pleine régénération spirituelle sous l’influence d’une tradition remontant aux sources mêmes du christianisme ésotérique.

(...) Au XIIème siècle, lorsqu’un théologien catholique, docteur ou non, souhaitait éclaircir un point de doctrine, il commençait par se référer « aux Ecritures », qu’il disséquait en subtiles analyses – qu’on songe aux querelles byzantines sur le sexe des anges ! – on réunissait ensuite colloques ou conciliabules, et l’on votait enfin la bonne réponse à la majorité ; la vérité, comme vous le savez, se trouvant toujours dans le plus grand nombre...

Le Cathare confirmé, lui, ne procédait pas ainsi. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit de rechercher une vérité spirituelle, en premier lieu dans des livres ou par des "raisonnements", si subtils fussent-ils, mais directement à sa source, c’est-à-dire dans le monde spirituel lui-même, dans la réalité suprasensible elle-même et ce, par le moyen de ce qu’on appelait, en ce temps-là, chez eux, le "Consolament", autrement dit la révélation clairvoyante directe des faits recherchés, par purification morale et imposition des mains en vue de l’éveil intérieur. En fait, ce que toute l’Antiquité païenne désigna toujours sous le nom d’"Initiation", ni plus ni moins. Vous avez là, en raccourci l’essentiel de ce qui différenciait l’Eglise romaine, temporelle, exotérique, de l’Eglise spirituelle, ésotérique, des Cathares. Celle-ci platonicienne, et celle-là aristotélicienne, tirant sa référence de St Augustin, ancien auditeur manichéen dépité de n’avoir jamais été jugé digne d’être initié.

Il convient donc d’énoncer maintenant brièvement, sans langue de bois, ce qu’était l’Initiation justement : l’évolution progressive et secrète de l’être intérieur en vue d’établir une relation consciente avec le monde spirituel, et ce par le développement méthodique des facultés de perception supra-sensorielles de l’Homme.

Voilà, clairement défini, ce qu’on entendait, en ce temps-là, par Initiation : ce qu’on appelait, à l’origine, chez les premiers chrétiens, la "disciplina arcani", les "mystères" chrétiens – les vrais – dans la droite ligne de ceux d’Eleusis ou d’Ephèse, si vous voulez, pas ces creuses postulations dogmatiques ex cathedra que Rome affubla plus tard de ce nom pour tenter de faire pièce à tout ce qui pouvait, de près ou de loin, se rattacher à l’ancienne Gnose objet de toutes ses malédictions. Profane et jaloux de son emprise sur les âmes, le clergé romain ne pouvait accepter que des individus libres pussent se relier (lat. "religere / religio") au monde spirituel indépendamment de sa toute puissante autorité, et puiser ainsi à sa source une Connaissance Spirituelle – ou Gnose – en contradiction souvent profonde avec sa propre dogmatique – à commencer par l’enseignement de la réincarnation que professèrent pourtant longtemps sans états d’âme plusieurs d’entre les plus éminents Pères de l’Eglise (en fait jusqu’en 553). C’était, pour ce clergé ambitieux, cupide et tout préoccupé de puissance temporelle, tout simplement inacceptable.

Il fallut rien moins que cinq croisades pour extirper cette vieille sagesse.
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