En Mongolie-Intérieure, depuis 2004, une toute nouvelle ville se construit en plein milieu du désert. Etalée sur 30 km2, Kangbashi peut accueillir 1 million d'habitants.
Curieux mélange d'architecture néostalinienne grandiose et de design occidental le plus audacieux, la ville impressionne. D'abord, cette " place culturelle internationale Gengis-Khan ", du nom du célèbre conquérant mongol, dont l'immensité fait honneur aux bureaux du Parti communiste et du gouvernement locaux, érigés sur la partie nord. En face de ces immenses bâtiments de verre et d'acier, des statues de bronze de 15 m de haut, à la gloire des redoutables guerriers mongols. Des sculptures de chevaux en furie complètent le décor. Devant tant d'opulence épique se dressent un opéra aux allures de yourte, un centre culturel géant, une bibliothèque en forme de livres empilés et un musée aux allures de soucoupe volante qui aurait loupé son atterrissage. Des boulevards à quatre ou six voies quadrillent la ville. Et plus on s'éloigne du centre, plus les logements sont luxueux. Comme ce quartier de villas californiennes jaunes et blanches, avec des garages assez larges pour accueillir deux Hummer.
La ville s'autorise aussi les caprices les plus farfelus. L'an dernier, elle s'est tournée vers la très sérieuse World Toilet Organization pour résoudre un problème de pissotière. Cet hiver, un Québécois est venu en classe affaires pour accorder le piano de la salle de danse. En 2008, Kangbashi a même lancé son propre prix d'architecture, qui n'a toujours pas été décerné ?
Mais alors, qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans cette ville pour laquelle des accordeurs de piano traversent le monde ?
Eh bien, là où l'on attendait 1 million d'habitants, ils ne sont que 28 000, dont 10 000 fonctionnaires municipaux et autant d'ouvriers migrants ! Aucun embouteillage ne congestionne les immenses artères : les voitures sont aussi rares que les habitants. Il se dégage donc au coeur de cet espace conçu pour le bonheur des masses une impression de grande solitude.
Des blocs entiers de maisons vides
Sous un soleil de plomb, un fourgon d'ouvriers vient perturber le silence qui règne sur la place Gengis-Khan. S'annonçant par des coups de klaxon, le chauffeur balance sa bouteille de Coca vide par la fenêtre. Et tel un suricate au milieu du désert, Mao Hei se dresse en direction de sa proie. " C'est ma première bouteille à ramasser de l'après-midi, vous m'excuserez... " Cet ancien paysan est devenu balayeur à Kangbashi, après avoir surveillé de nuit plusieurs de ses nombreux chantiers. Sans trop se fatiguer, le vieil homme gagne 130 € par mois. Soit près du triple de son revenu de paysan, avant que ses terres aient été réquisitionnées par les autorités locales il y a six ans... Pour construire la ville !
Ce vide n'effraie pas les nombreux architectes étrangers qui ont pris part à l'aventure. Comme Preston Scott Cohen, célèbre architecte de Boston, désormais très apprécié dans le Far West chinois " J'avais bien connu ça avec les pays arabes. Lorsqu'on bâtissait au milieu du désert, sans vraiment chercher à en comprendre l'utilité.... " En 2008, Preston Scott Cohen cachetonnait déjà pour Kangbashi grâce à Ordos 100. L'objectif du projet de l'époque était de construire 100 villas pour nouveaux riches conçues par 100 architectes étrangers ! " Nous avions carte blanche, sans aucune contrainte environnementale. Il leur fallait juste une grande piscine intérieure ".
Qingshuihe, la ville périmée :
D'autres cités de Mongolie-Intérieure ont été tentées par cette fièvre bâtisseuse, mais s'y sont brûlé les ailes. Comme Qingshuihe, dont les officiels ont eu, il y a cinq ans, cette idée géniale : construire une nouvelle ville, moderne et attractive, 20 km plus au nord et proche de Houhehot, la capitale. Un budget colossal de 600 millions d'euros a été imaginé par ces dirigeants " visionnaires ", qu'ils espéraient être en grande partie financé par le gouvernement central. Mais Pékin a refusé, et la ville s'est lourdement endettée, jusqu'à se résoudre à interrompre totalement le chantier au printemps 2007. Au milieu des chèvres, perdues dans les steppes, moisissent désormais un tribunal, un commissariat de police ou un collège grandioses. Des dortoirs avaient été érigés, en attendant des futures usines. Seuls quelques maçons viennent encore s'aventurer par ici, pour dépecer les bâtiments et repartir les camions remplis de matériaux. Jamais consultés, les milliers d'habitants qui espéraient une nouvelle vie se retrouvent maintenant coincés dans une ville ruinée. " Il n'y a plus rien pour l'hôpital, les écoles, les ordures ne sont plus ramassées et les routes ne sont même plus entretenues. J'ai l'impression d'être retourné vingt ans en arrière ", explique Jun Li Hong, un artisan. Devenue la risée des Chinois et le symbole d'une élite communiste décadente, Qingshuihe s'est au moins trouvé un nouveau nom : " la ville périmée ".
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Voir également :
La Chine crée la plus grande mégapole au monde avec 42 millions d'habitants
Curieux mélange d'architecture néostalinienne grandiose et de design occidental le plus audacieux, la ville impressionne. D'abord, cette " place culturelle internationale Gengis-Khan ", du nom du célèbre conquérant mongol, dont l'immensité fait honneur aux bureaux du Parti communiste et du gouvernement locaux, érigés sur la partie nord. En face de ces immenses bâtiments de verre et d'acier, des statues de bronze de 15 m de haut, à la gloire des redoutables guerriers mongols. Des sculptures de chevaux en furie complètent le décor. Devant tant d'opulence épique se dressent un opéra aux allures de yourte, un centre culturel géant, une bibliothèque en forme de livres empilés et un musée aux allures de soucoupe volante qui aurait loupé son atterrissage. Des boulevards à quatre ou six voies quadrillent la ville. Et plus on s'éloigne du centre, plus les logements sont luxueux. Comme ce quartier de villas californiennes jaunes et blanches, avec des garages assez larges pour accueillir deux Hummer.
La ville s'autorise aussi les caprices les plus farfelus. L'an dernier, elle s'est tournée vers la très sérieuse World Toilet Organization pour résoudre un problème de pissotière. Cet hiver, un Québécois est venu en classe affaires pour accorder le piano de la salle de danse. En 2008, Kangbashi a même lancé son propre prix d'architecture, qui n'a toujours pas été décerné ?
Mais alors, qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans cette ville pour laquelle des accordeurs de piano traversent le monde ?
Eh bien, là où l'on attendait 1 million d'habitants, ils ne sont que 28 000, dont 10 000 fonctionnaires municipaux et autant d'ouvriers migrants ! Aucun embouteillage ne congestionne les immenses artères : les voitures sont aussi rares que les habitants. Il se dégage donc au coeur de cet espace conçu pour le bonheur des masses une impression de grande solitude.
Sous un soleil de plomb, un fourgon d'ouvriers vient perturber le silence qui règne sur la place Gengis-Khan. S'annonçant par des coups de klaxon, le chauffeur balance sa bouteille de Coca vide par la fenêtre. Et tel un suricate au milieu du désert, Mao Hei se dresse en direction de sa proie. " C'est ma première bouteille à ramasser de l'après-midi, vous m'excuserez... " Cet ancien paysan est devenu balayeur à Kangbashi, après avoir surveillé de nuit plusieurs de ses nombreux chantiers. Sans trop se fatiguer, le vieil homme gagne 130 € par mois. Soit près du triple de son revenu de paysan, avant que ses terres aient été réquisitionnées par les autorités locales il y a six ans... Pour construire la ville !
Ce vide n'effraie pas les nombreux architectes étrangers qui ont pris part à l'aventure. Comme Preston Scott Cohen, célèbre architecte de Boston, désormais très apprécié dans le Far West chinois " J'avais bien connu ça avec les pays arabes. Lorsqu'on bâtissait au milieu du désert, sans vraiment chercher à en comprendre l'utilité.... " En 2008, Preston Scott Cohen cachetonnait déjà pour Kangbashi grâce à Ordos 100. L'objectif du projet de l'époque était de construire 100 villas pour nouveaux riches conçues par 100 architectes étrangers ! " Nous avions carte blanche, sans aucune contrainte environnementale. Il leur fallait juste une grande piscine intérieure ".
Qingshuihe, la ville périmée :
D'autres cités de Mongolie-Intérieure ont été tentées par cette fièvre bâtisseuse, mais s'y sont brûlé les ailes. Comme Qingshuihe, dont les officiels ont eu, il y a cinq ans, cette idée géniale : construire une nouvelle ville, moderne et attractive, 20 km plus au nord et proche de Houhehot, la capitale. Un budget colossal de 600 millions d'euros a été imaginé par ces dirigeants " visionnaires ", qu'ils espéraient être en grande partie financé par le gouvernement central. Mais Pékin a refusé, et la ville s'est lourdement endettée, jusqu'à se résoudre à interrompre totalement le chantier au printemps 2007. Au milieu des chèvres, perdues dans les steppes, moisissent désormais un tribunal, un commissariat de police ou un collège grandioses. Des dortoirs avaient été érigés, en attendant des futures usines. Seuls quelques maçons viennent encore s'aventurer par ici, pour dépecer les bâtiments et repartir les camions remplis de matériaux. Jamais consultés, les milliers d'habitants qui espéraient une nouvelle vie se retrouvent maintenant coincés dans une ville ruinée. " Il n'y a plus rien pour l'hôpital, les écoles, les ordures ne sont plus ramassées et les routes ne sont même plus entretenues. J'ai l'impression d'être retourné vingt ans en arrière ", explique Jun Li Hong, un artisan. Devenue la risée des Chinois et le symbole d'une élite communiste décadente, Qingshuihe s'est au moins trouvé un nouveau nom : " la ville périmée ".
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La Chine crée la plus grande mégapole au monde avec 42 millions d'habitants
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